Sous attaque

Kajitsu n'avait pas dormi depuis la veille.  Depuis cette soirée dont elle aurait grandement pu se passer, elle avait les nerfs à vif et celle qu'on voyait habituellement calme, joviale et souriante, n'était aujourd'hui rien de plus qu'une jeune femme aux épaules tendus, qu'une simple mouche pourrait faire sursauter.  Enfin, ça, c'était à condition de la remarquer bien sûr.  Car pour remarquer quelque chose, il faut avoir les idées claires, soit exactement ce qu'elle n'avait pas!

Aussi, en chemin vers l'infirmerie, Nagisa pu voir la jeune femme, passer devant elle, habituelle hakama noir brodé de quelques pétales d'or à sa base (enfin, habituelle s'appliquant ici aux dernières années) et large veste beige couvrant son keiko-gi noir.  Ses cheveux argents flottaient derrière elle de façon désordonnés, laissant voir les marques d'une nuit visiblement agitée.  Sans la voir, occupée à protéger le sac qu'elle portait contre sa poitrine, celle qui portait maintenant le bandeau de Suna autour du bras se précipita dans l'infirmerie.

Une fois à l'intérieur des murs de l'infirmerie, Kajitsu senti sa vision se clarifier, jusqu'à enfin distinguer clairement les couloirs jaunes.  Elle avança plus calmement, mais non pas moins rapidement, jusqu'à la chambre l'intéressant.  Toutefois, elle fut devancée avant même d'entrer.

-Merci pour la course Kajitsu... répondit Temari en apparaissant par l'embrasure de la porte, visiblement bouleversée.

La jeune femme ne fit que confirmer d'un signe de tête et pointa la salle du menton.

- Ça devrait aller pour l'instant, la rassura-t-elle.  Mais tu ferais mieux de te reposer un peu...

Elle s'était coupée dans son élan.  Il était inutile de lui ramener ça sur le dos... Temari s'était réveillée trop tard la nuit dernière et n'avait été en mesure que de constater l’événement.

Kajitsu sursauta lorsqu'elle entendit quelqu'un derrière elle lui adresser la parole. Elle se retourna, trop épuisée pour prendre la peine d'effacer les traces de sa surprise. Il lui fallu un court moment à faire le rapprochement, après tout, le foulard que la jeune femme portait n'aidait pas particulièrement à l'identification. Il ne lui fallu toutefois pas plus de cinq secondes afin de reconnaître son ancienne partenaire d'entraînement et coéquipière d'équipe d'intervention spéciale.

- Nagisa!?

Temari souri face à l'expression partagé de sa cadette. Voyant clairement ce petit étincelle de joie et le léger relâchement dans ses épaules, la blondinette s'approcha d'elle et lui posa une main sur l'épaule.

- Tu ferais mieux de la rejoindre, elle était à Konoha avec toi, non?

Kajitsu fit oui de la tête.

- Alors raison de plus. Je vais tenir le chevet de mon frère, t'inquiète.

Sur ces mots, la jeune femme suit un instant son aînée retourner dans la chambre. En ce moment, elle ne pouvait qu'admirer le sang froid et la force dont Temari faisait preuve sur le moment. Après avoir été incapable de sauver son plus jeune frère et avoir presque perdu le second, elle trouvait encore le moyen d'avoir une pensée pour le nouveau membre de cette drôle de famille. Aussi, Kajitsu se retourna finalement vers Nagisa, les épaules un peu plus détendus.

- Alors, qu'est-ce qui t'amène à Suna? demanda Kajitsu en s'approchant afin de la saluer comme il se doit.

La question n'était pas rhétorique. Elle ne s'attendait réellement pas à ce que des gens de Konoha se déplacent pour une nouvelle qui ne devrait pas avoir encore quittée la ville.

Le malaise de Nagisa eu tôt faire de faire s'effacer le sourire que la jeune femme portait, non pas sans une énorme part de culpabilité. D'un sens, elle préférait ça comme ça. La joie de retrouver une amie fut donc enfouis dans le labyrinthe des événements actuels.

- Les équipes? demanda la jeune femme sur un ton un peu plus sérieux, une fois l'instant de surprise passé. Konoha envoie des équipes pour nous aider a-

Elle s'était coupée elle-même, les mots étant restés pris au travers de sa gorge. Si les marques du professionnalisme dont elles faisaient autrefois preuve au cours de leurs missions "spéciales" s'était fait sentir, l'humanité de la jeune femme avait eu vite fait de reprendre le dessus sur elle.

- Désolé, tenta Kajitsu avec un sourire qui se voulait calme, mais qui portait pourtant toutes les traces de sa peine et de son exténuation, je crois que je manque réellement de sommeil...

Tout le monde faisant tant d'efforts pour rester droit et fort, alors pourquoi pas elle également?

Kajitsu se tendit momentanément, puis répondit à l'étreinte de Nagisa. Elle du résister à l'envi d'enfouir son visage dans le creux de son épaule et de tout laisser aller. Si elle y parvint, elle ne réussi toutefois pas à empêcher les premières larmes de quitter ses yeux alors qu'elle serrait ses mains sur le tissus clair couvrant Nagisa.

Lorsque cette dernière relâcha son étreinte, la jeune femme essuya rapidement ses yeux, avant de glisser un "merci" à mi-voix.

- Par contre, je ne crois pas qu'on puisse réellement ce reposer chez-moi en ce moment, avoua-t-elle d'une voix encore un peu brisée. Et puis, je préfère rester près d'ici, juste au cas...

La dernière phrase lui avait échappée avec un peu moins de difficulté. Tout lui semblait si surréaliste sur le moment...

- Mais je crois qu'il y a bien un endroit.

Affichant un visage un peu plus calme et sérieux, Kajitsu fit signe à Nagisa de la suivre. Si elles devaient traverser l'infirmerie jusqu'au petit jardin sur le toit de ce dernier, elle préférait se montrer aussi forte et droite qu'elle le pouvait. Après tout, son visage commençait à être connu au village et pour cette raison, elle se devait de préserver cette image.

Kajitsu ne put s'empêcher de froncer les sourcils face à cette dernière spécification. Aussi, elle s'arrêta au milieu du corridor et se retourna vers Nagisa. La venue de Sakura l'avait en effet rassuré... mais ça commençait à faire beaucoup d'information...

- Comment est-ce que tu sais ce genre de chose...? demanda-t-elle avec un soupçon d'inquiétude, d'appréhension et de suspicion dans la voix.

Ce n'était pas de la paranoïa, loin de là. Mais disons qu'après la nuit précédente et tout ce qu'elle impliquait, Kajitsu ne pouvait jamais être trop certaine.

La jeune femme soupira. Les grands mystères de Nagisa. Et dire qu'elle avait cru cette époque révolue depuis le jour où elles s'amusaient dans leur "cercle de la mort". Il fallait croire que le temps avait apporté d'autres secrets.

- Bien sûr, concéda Kajitsu en baissant brièvement la tête, je comprends. C'est très apprécié, vraiment.

Même si une petite part d'elle aurait préféré que Konoha ne se mêle pas de cette histoire, même si cette rage camouflée sous sa peine lui dictait de partir seule et de massacrer elle-même cet emplumé manipulateur d'argile, elle savait qu'à l'heure actuelle, Suna avait besoin de plus d'aide qu'il ne le paraissait. Qu'ils avaient besoin de plus d'aide qu'il n'y paraissait.

Aussi, Kajitsu se remis en marche vers le fameux jardin.
En chemin, elle fit mine d'ignorer les quelques regards compatissants lui étant adressés, alors qu'on lui cédait un chemin. Ce genre d'attention n'était pas particulièrement approprié pour elle aujourd'hui, elle qui aurait préféré être ignorée. Enfin, elle se concentra sur un petit tintement entre son keiko-gi et sa cage toracique, puis continua le chemin sans rien dire, jusqu'à ce qu'elle arrive au dit jardin. Oh bien sûr, il n'était pas très grand ni très fleuri, ça restait Suna quand même. Mais l'agitation actuelle avait laissé cet endroit devenir un petit oasis de repos et de solitude (merci à l'auteur).

Lorsque son amie se dévoila enfin, Kajitsu ne pu s'empêcher le durcissement de ses traits. Le signe des années qui ne s'étaient pas déroulées dans la facilités. Sans doute l'avait-elle eu beaucoup plus difficile qu'elle-même ne l'avait eu. Les images de ses propres dernières années passèrent devant ses yeux, les laissant vite devenir brumeux. Elle arrivait à ses limites... les images de paix, qu'importe lesquelles, le tintement contre sa poitrine, l'air sec de Suna... tout(!) la ramenait jusque dans ces derniers retranchement.

Alors qu'elle s'afférait à reprendre ses esprits, Nagisa l'enlaça. Kajitsu laissa échapper un dernier hoquet, un dernier signe de résistance, avant de se plier à la proposition de son amie, sans même avoir besoin de l'entendre. Ses genoux se fléchirent alors qu'elle enfouissait enfin sa tête dans les épaules de sa compagnonne d'arme et se mise à pleurer. Pas de larmes de colère cette fois, rien de réprimé ou d'interdit, elle laissait enfin aller toute son inquiétude, tout le poids que portait ses épaules, toute cette peur et enfin cette crainte de ne plus revoir celui pour qui elle avait quitté son petit monde. Alors que les secondes passaient, les sanglots devinrent plus bruyant, comme une libération, jusqu'à s'estomper enfin...

Kajitsu releva finalement la tête, respira quelque peu, puis se défit de l'étreinte de Nagisa en reculant d'un pas. Elle essuya de nouveau ses larmes, le visage maintenant rougie, puis souri enfin réellement.

- Décidément... après tout ce temps, la première chose que je trouve à faire c'est pleurer dans tes bras! lança-t-elle pour détendre l'atmosphère. J'suis définitivement pas une très bonne hôte.

Sur ces mots, elle indiqua un ban à la jeune femme et s'y dirigea à son tour. Une fois sur place, elle pris le temps de respirer d'avantage et décida de profiter de l'occasion pour discuter un peu avec sa vieille amie. Elle n'avait pas particulièrement envie de se changer les idées, mais elle ne pouvait rien faire pour l'instant et penser momentanément à autre chose lui permettrait sans doute de revenir avec les idées plus claires.

Kajitsu souris face au commentaire. En toute vérité, on ne pouvait pas dire qu'elle était particulièrement d'humeur à la frapper, voir même de frapper qui que ce soit. Oh bien sûr, si elle était arrivée au levé du soleil, ça aurait été une toute autre histoire, et à ce moment, Kajitsu se serait servie de son amie comme punching bag sans la moindre hésitation. Néanmoins, pour le moment, ses inquiétudes avaient pris le dessus et, maintenant qu'elle avait finalement pleuré un peu, elle se sentait un peu plus légère.

La légèreté d'esprit... oh comme elle se sentait coupable de la ressentir à ce moment.

- Je me suis ennuyée d'eux aussi, admit-elle en posant son regard sur l'horizon. Je me suis ennuyée de vous tous. Mais il est arrivé tellement de choses au cours des dernières années que je n'ai pas eu l'occasion de venir visiter aussi souvent que je l'aurais voulu. Mais bon, puisque tu es déjà si bien informée, tu devrais déjà le savoir, conclut-elle avec le même ton qu'elle utilisait habituellement pour taquiner sa compagne.

Bien sûr, ce ton un peu plus libre fur rapidement réprimé par cette même culpabilité et l'expression plus joyeuse de Kajitsu s'effaça rapidement sous une plus calme.

- Si non... quant a ton actuelle état de femme recherchée, tu peux être tranquille ici. Je sais que tu as seulement été envoyée en mission... on ne pourra rien faire si quelqu'un te remarque par contre, mais avec nous, tu peux rester tranquille au moins.

C'était un peu soudain et hors propos, mais maintenant qu'elle avait les idées un peu plus claires, Kajitsu s'était dit que cette précision se devait d'être faite le plus tôt possible.

- J'imagine... répondit la jeune femme, incertaine. Mais la venue de Konoha est déjà une surprise en soit alors...

Kajitsu étouffa la suite de son raisonnement et reposa son regard vers l'horizon, vers sa gauche. La direction dans laquelle tintait le verre contre sa cage thoracique. Là-bas... il était quelque part, là-bas. La faiblesse du dit tintement, aussi faible que pendant son sommeil, ne lui indiquait rien de bon non plus. Et elle, pour sa part, se devait tout simplement de rester sur place...

Elle étouffa un léger rire ironique alors qu'elle fermait les yeux.

- Je crois que ça faisait trop que je ne t'avais pas vue Nagisa, admit-elle en se retournant vers elle.

Puis, fermant de nouveau les yeux, elle se releva et fit quelques pas en avant, avant de se retourner vers Nagisa, une main autour de cette petite fiole de sable qui ne quittait jamais son cou. Son expression déterminée si caractéristique était de retour.

- On ne peut pas partir aujourd'hui. Quelqu'un doit absolument garder le chevet de Kankuro et on ne peut pas réussir ça seulement à nous deux. Mais demain, dès l'instant où les autres arrivent, on part. Tu me suivras?

Une question rhétorique? Non bien sûr. Seulement, elle n'avait le sens de "me suivras-tu là-bas", mais bien de "me suivras-tu dans ma folie, jusqu'à ce que notre vie ne nous tienne de nouveau qu'à un fil, comme avant".

Kajitsu était de retour.

Elle cru réentendre le bruit des explosions, l'odeur de l'argile, les flash de lumière sous le voile de la nuit... Elle accorda a son amie d'enfance un regard rassurant, de ceux qui semble dire qu'il n'y a pas a s'en faire avec ce genre de chose. Après tout, si quelqu'un avait une raison de s'en vouloir, c'était elle-même. Elle qui n'avait pas réussi à l'aider contre cet emplumé à l'argile, et qui n'avait rien pu faire de constater la défaite de Kankuro.

- T'en fais pas, répondit-elle d'une voix plus calme, sans pour autant être moins décidée, en posant une main forte sur l'épaule de Nagisa. Personne n'aurait pu prévoir ça.

Elle fit une légère pose.

- Et puis, les seuls qui ont raison de s'en vouloir dans cette histoire, sont ceux qui sont à l'infirmerie et moi-même. On aurait tous du faire plus, ajouta-t-elle en fermant brièvement les yeux. Mais il sera bientôt temps de réparer cette erreur.

Oh comme elle brûlait d'envie de repartir maintenant...!

~le lendemain matin~

Kajitsu avait très mal dormis. Après ses trente-six heures d'état de veille, son seul repos avait été quelques phases de dix minutes de sommeil, espacés d'entre trente et quarante minutes d'inconfort et de culpabilité. Aussi, en ayant assez d'essayer en vain, elle s'était levée afin d'attendre le levé du soleil sur le petit balcon de la chambre. À cet instant, Suna semblait si paisible... à l'instar de la nuit précédente.

***

Installé près de la fenêtre de la pièce où se trouvait encore Kankuro, Kajitsu guettait impatiemment l'arrivée des équipes de Konoha. Elle en avait assez d'attendre... Si ce n'avait pas été de l'assurance de Nagisa, elle aurait vraisemblablement réuni une petite équipe dès l'aube et serait partie sans plus attendre. Toutefois, elle était restreinte à attendre encore et encore...

Elle sera le poing sur le tissus de son hakama.

*Je leur donne encore deux heures. S'ils n'arrivent pas, je pars quand même.*

*Hum?*

Elle se décrispa lorsqu'un perroquet se posa sur la fenêtre. Depuis quand ce genre d'oiseau volaient-ils jusqu'à Suna, si loin des forêts et de l'eau?

Puis ce n'est qu'à ce moment que ça la frappa: un messager. Elle prit le bout de papier entre ses doigts et l'ouvrit. Son visage s'illumina instantanément de ce fameux mélange de joie et de détermination, malgré la tension encore présente dans ses traits. Elle se leva précipitamment en avançant d'un pas ferme vers la sortie.

- Qu'est-ce qui ce passe?

- On a de la compagnie.

Sur ces mots, elle fit volte face et quitta rapidement la pièce en direction du portail de la ville. Elle ne savait pas ce qui le faisait le plus vibrer sur le moment, le fait de revoir des gens lui étant chers malgré la situation, ou alors la simple idée de pouvoir enfin sortir de cet immobilité qui aurait tôt fait de la rendre dingue.